Nous allons dans cet article explorer les différences entre deux séances de Course à pieds réalisées sur route avec un profil et des conditions environnementales totalement identiques (lieu, température, vent...)
Nous nous intéresserons particulièrement à la modification de la capacité d'extraction de l'oxygène musculaire
La seule chose qui va distinguer ces 2 séances est la pré fatigue générée par une séance HIT vélo effectuée 3h avant la séance dite "Pré-fatigue" vs "Sans pré-fatigue"
Nous pouvons caractériser cette dite "pré-fatigue" de "centrale" au vu du faible volume global mais de la haute sollicitation de la séance précédente.
De plus, réaliser une séance 3h après, en designalisation, est un des effets les plus délétères d'un point de vue musculaire et perceptif.
Nous avons déja effectué plusieurs fois ce meme type de séances mais de façons enchainées (pas 3h d'attente entre les 2) pour lesquelles nous avons des valeurs de puissance et vitesse supérieures à celles que nous allons observer dans cet article
Le protocole utilisé pour cette séance (3h d'attente et désignalisation) de course à pied fut le suivant
Warm 10' @230-250w, puis 3' au pallier suivants
260, 280, 300, 320, 360, 380, 400 puis 340
L'athlète
Il s'agit d'un triathlète professionnel de 186cm - 70 kg
Sa puissance critique (Crit P) est de 365w
Les mesures sont prises à l'aide des dispositifs suivants
Vo2 master
Moxy monitoring x3
Core temperature
Garmin HRM Pro plus
ATTENTION:
Nous n'explorerons pas dans cet article:
Tout l'aspect ventilatoire qui se révèle etre, pour cet athlète, un véritable facteur limitant .
Tout l'aspect lié au rendement mécanique et le glissement en Power/Speed qui est un enjeu prépondérant dans les sports encahinés
Nous allons UNIQUEMENT développer ici les aspects et les interactions de la pré-fatigue fonctionnelle sur la performance et les modifications des données physiologiques afférentes
Overview physiological datas avec "Pré-fatigue"
Avec un seul palier (série) de 3' au dela de la puissance critique, l'athlète n'a pas pu tenir la consigne de l'exercice qui en prévoyait 2.
Il a pu réaliser celui à 380w (105% Crit P) pas celui à 400w (110% Crit P)
Enfin, le dernier palier à 340w soit 93% de Crit P à été réalisé avec 10w de moins que la consigne.
Comparaison Séance "Sans fatigue" Vs "Pré-fatigue"
Bien que nous n'allions pas aborder l'impact de la pré-fatigue musculaire sur le rendement mécanique, nous notons néanmoins qu'à partir du palier 320w on observe un glissement de la vitesse rapportée à la puissance developée
D'un point de vue de l'avancée de l'exercice, sur la séance "Sans-pré-fatigue", il a pu réaliser le palier 400w et maintenir les 340w ensuite (contrairement à la séance "Pré-fatigue")
La cinétique globale des courbes de vitesse et de puissance laissent apparaitre une certaine forme de symétrie quand à la dissociation opérée entre "Pré-fatigue" et "Sans"
ce décrochage s'observe nettement à l'entame du 6ème palier soit proche de 355w soit 97% de Crit P.
On note également que l'écart entre les courbes de Puissance et vitesse ne sont pas de memes amplitudes avec un glissement plus important sur les vitesses
Cela vient donc bien confirmer ce que la littérature (et le bon sens) décrivent déja, à savoir; à puissance égale en pré fatigue, on court moins vite.
Examinons maintenant les changements physiologiques d'un point de vue interne
Observons tout d'abord les données de ventilation
On note:
Un Volume courant (Tv) légèrement supérieur sur la séance "Sans pré-fatigue" +3%, ce qui reste assez anecdotique au vu du tres faible "Tv" mobilisé par l'athlète par rapport à son volume courant idéal i Tv 3,6L (mesure faite lors des tests spirométriques effectués avant la séance (mais non présentés ici)
Une fréquence ventilatoire (Rf) légèrement supérieure sur le séance "Pré-fatigue" +4,2%
Un volume total Ve quasiment identique
Si les données ventilatoires semblent demeurer sensiblement les memes avec un Ve égal et une très légère différence faite uniquement sur les Rf et Tv pour arriver à ce volume total (Ve)
La différence la plus notable porte sur la capacité d'extraction de l'oxygène par les muscles avec le FeO2, la fraction d'oxygène dans l'air expiré.
Avec presque 1% de plus d'extraction sur la séance "Sans pré-fatigue" soit 5,6% .
Cette valeur qui peut paraitre anecdotique s'avère etre en réalité cruciale
Pour un meme volume d'air, le corps va extraire plus d'oxygène avec le meme coût énergétique ventilatoire.
Il va donc pouvoir produire plus d'énergie (on verra dans une autre publication, quelle quantité sera produite en puissance mécanique et, in-fine, pour quelle vitesse de déplacement.
Au dela de cela, nous avons sous nos yeux ici, l'exemple parfait des effets de la pré-fatigue périphérique sur la capacité oxydative du muscle
Avec une Rf quasiment "identique", le FeO2 est nettement supérieur pour la séance "Pré-fatigue"
La meilleure extraction de l'oxygène opérée sur la séance "Sans pré-fatigue" ne peut donc pas etre expliquée par l'effet Bohr.
Jusqu'au palier 360w (proche Crit P) nous avons ostensiblement une cinétique de Hr et de Vo2 "égale"
Au dela de cet état, nous observons une augmentation de Hr et de Vo2.
Cette différence est totalement normale est s'explique par la capacité musculaire à produire plus d'énergie et donc extraire plus d'oxygène.
Conclusion:
Beaucoup d'informations précieuses nous sont délivrées par ce monitoring
De facons globales:
La pré-fatigue est un facteur délétère pour la performance, mais ceci n'est pas une révélation !
Par contre, ici nous pouvons la chiffrer, dans notre cas, elle est à minima de 6,58% sur la puissance et 7,6% sur la vitesse
Cela signifie que pour une perception égale de l'effort, l'athlète développe moins de W et va moins vite à concurrence des chiffres cités ci-dessus.
Cela signifie aussi, meme si nous n'avons pas traité la partie "rendement mécanique" qu'il y a une perte d'efficience de la retranscription de la puissance en vitesse.
C'est un axe de travail et de performance supplémentaire pour cet athlète meme si cela reste des valeurs de glissements relativement faible dans l'absolu mais notables pour un athlète de niveau international.
Au niveau interne:
Les valeurs de FeO2 peuvent permettre de prédire l'impact et le % de pré-fatigue d'un athlète si on a déja pris la peine de faire ce type de protocole afin d'enregistrer des valeurs normatives par modalités et zones de puissance.
Bien évidement il est nécessaire d'etre en capacité de modéliser le niveau de sollicitation antérieur (la pré-fatigue) à la séance pour que chaque situation couverte par nos valeurs normatives puissent etre associées de façon adéquate.
Cette approche est relativement efficiente lors de phases de charge, de training camp ou de moments clés dans une saison, afin d'etre plus précis et efficient, nous pouvons donc mesurer en début d'exercice ces valeurs et les analyser.
Le travail en pré-fatigue périphérique est un outil pertinent pour simuler un volume supérieur en gardant une charge centrale et mécanique inférieure.
En effet lors de monitoring précédents, des valeurs identiques ont été mésurées sur cet athlète mais:
Avec une séance de vélo de 4h30 incluant cet exercice et suivi d'un enchainement en course à pied immédiatement après le vélo.
Nous disposons dès lors d'un outil précieux d'aide à la decision quand à la distribution et les puissances à prescrire sur l'exercice et l'ajustement de l'analyse que nous ferons de ce derniers en terme de reponses physiologiques adaptatives.
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